Elle est sensuelle mais jamais vulgaire. Flirteuse mais indépendante, un véritable spectacle à elle seule. C’est la pin up girl, une petite amie américaine idéale, créée pour susciter l’adoration des hommes à travers le pays.
Vous la reconnaîtriez si vous la voyiez. Les joues roses, les boucles rebondissantes, la silhouette en forme de sablier et un penchant pour la lingerie très féminine. Mais quelle est son histoire exactement ? Plongeons dans ce voyage dans le temps jusqu’aux origines de la pin up. Il s’agit d’un parcours particulier, qui recoupe à la fois la libération des femmes et leur objectivation en cours de route. ♀️ Notre histoire commence, curieusement, avec l’invention du » vélo de sécurité » dans les années 1800.
Début 1800 : Arrivée de la bicyclette
Voici un peu de contexte avant de nous plonger dans l’histoire. Les « bicyclettes de sécurité« , comme on les appelait, ont provoqué une grande agitation parmi les femmes occidentales au début du XIXe siècle à leur introduction. Des médecins et des ministres ont dénoncé les nouveaux véhicules à pédales, affirmant que les rebonds nuisaient à l’intérieur fragile des femmes et que le frottement du siège risquait de les exciter. Pour les suffragettes, cependant, la bicyclette était la « machine de la liberté« , permettant aux femmes de s’émanciper de l’escorte masculine.
Les femmes portent le pantalon
Peu après l’arrivée des vélos, les femmes ont abandonné leurs jupons et leurs jupes superposées au profit de culottes et de bottes. Ce changement de mode a révélé les formes féminines dans la culture populaire comme jamais auparavant. Les femmes étaient à la fois plus masculines et plus attrayantes. Les choses devenaient intéressantes.
1889 : Le premier calendrier
Thomas Murphy et Edmond Osborne impriment le premier calendrier avec des publicités sous les images. Le concept est bon commercialement, les calendriers garantissent en effet une année entière d’espace publicitaire. Le premier calendrier, avec une image de George Washington, n’a pas eu un grand succès, ce qui n’est pas surprenant. En fait, le marché des calendriers n’a pas vraiment décollé avant 1903 et la sortie du premier calendrier illustré d’une femme, intitulé « Cosette ».
1895 : Les Gibson Girl
Charles Dana Gibson, un illustrateur du magazine Life, a bouleversé la mode féminine avec ses illustrations de couverture de femmes. La poitrine généreuse, la silhouette en sablier, un tas de cheveux sombres et les lèvres pulpeuses, inspirée en partie par la femme de Gibson. Cette icône nationale est devenue connue sous le nom de Gibson Girl, une fille que l’Amérique aimait pour sa sensualité et son indépendance simultanées. Elle a été, en un sens, la première « dream girl », inaccessible si ce n’est pour accrocher sa photo sur votre mur.
1895-1932 : Les imitateurs de Gibson
Après le succès de la Gibson Girl, de nombreux autres magazines ont suivi l’exemple de Life. Howard Chandler Christy a créé la Christy Girl pour le magazine The Century en 1895. Harrison Fisher créa la Fisher Girl pour la couverture du Puck Magazine et du Cosmopolitan de 1912 à 1932.
1917 : La propagande des pin up
Pendant la Première Guerre mondiale, le président américain Woodrow Wilson a créé la Division de la publicité picturale pour susciter le patriotisme et inciter de nouvelles troupes à se battre. L’un des principaux trophées de ces affiches était constitué de jolies femmes, souvent vêtues d’ensembles militaires sexy et annonçant des messages comme « Bon sang !! J’aimerais être un homme, je rejoindrais la Marine » ou encore « Soyez un homme et faites-le ».
1920 : Les années folles
Avec leurs partenaires partis à la guerre, les femmes des années 1920 avaient goûté à la liberté et n’étaient pas prêtes à la laisser s’échapper. L’ère du jazz a apporté avec elle des ourlets raccourcis, de l’alcool illégal, des cheveux bouclés et un sentiment accru de rébellion juvénile. La génération des « flappers », femmes garçonnes rebelles et avant-gardistes avaient à cœur de briser les standards de beauté traditionnelles. Des artistes comme Rolf Armstrong ont répondu à la tendance, en habillant ses pin-up de façon encore plus légère.
1940 : Propagande psychologiquement parfaite
La Seconde Guerre mondiale atteint le summum de l’instrumentalisation des pin up. Pour motiver les soldats, le gouvernement l’utilise pour leur présenter la dulcinée qui les attend, la demoiselle pour laquelle il vaut la peine de se battre. Ces photos de pin up ont été massivement collées à l’intérieur des casernes, accrochées dans les sous-marins et glissées dans les poches des soldats.
1950 : La Pin Up dans la publicité
Les tactiques érotiques employées pour la propagande de guerre ayant fait leurs preuves, furent ensuite étendues à la publicité grand public. En effet, si la pin up a pu permettre de motiver des hommes à devenir de la chair à canon, elle peut donc tout aussi facilement leur faire acheter n’importe quel bien de consommation.
1953 : Naissance de Playboy
S’inspirant des illustrations de pin up tout en misant sur le potentiel de la photographie plus sulfureuse, Hugh Hefner lance son célèbre magazine érotique Playboy. En 1955, la plupart des magazines ressemblent dorénavant plus à Playboy qu’au couvertures de pin up plus sages si populaires dix ans auparavant. ♀️
1980 : La collection de Charles Martignette
Charles Martignette qui avait commencé à se passionner pour les pin up à huit ans seulement, a passé les années 80 à acheter tout ce qu’il pouvait. Cet obsessionnel a constitué une collection de 4 300 œuvres d’art de pin up. Elles étaient stockées dans des entrepôts et n’ont jamais été exposées.
2008 : La collection se disperse
Martignette est mort subitement d’une crise cardiaque en 2008. Sa vaste collection de 4 300 pièces a alors été transmise aux enchères du patrimoine à Dallas, au Texas. Il a fallu 12 ventes aux enchères sur quatre ans pour dissoudre la plus grande collection d’art original de pin up. Les pin-up ont donc quitté l’entrepôt et ont pu exister de nouveau comme elles l’avaient toujours été… là où elles peuvent être épinglées.